Limitation des pesticides
Il convient tout de suite de noter que, même si la loi alimentation mentionne des mesures pour freiner l’utilisation des pesticides, ils ne sont pas si nombreux que cela. En effet, la loi alimentation, qui sera débattue à l’Assemblée Nationale le 17 mai prochain, prévoit de séparer les activités de vente et de conseil pour les produits phytosanitaires à travers deux articles phare. Dans le système actuel, les artisans agriculteurs ne disposent que d’un seul interlocuteur auprès duquel ils peuvent obtenir un conseil et acquérir les produits phytosanitaires qui leurs seront recommandés. Dans les deux-tiers des cas, il s’agira d’une coopérative. Pour le tiers des cas restants, les agriculteurs feront directement affaire avec un négociant.
Les entreprises avec lesquelles les agriculteurs négocient, vendent non seulement des engrais et des pesticides, mais achètent aussi la récolte des agriculteurs. Ainsi, il est tout à fait légitime de penser qu’il y a dans ce procédé, un véritable conflit d’intérêt. C’est justement pour éviter cette situation que la loi alimentation prévoit des mesures plus ou moins contraignantes.
État des lieux
Si la loi alimentation est adoptée, la France pourrait rapidement s’acheminer vers une agriculture plus saine et moins chimique. Toutes les précédentes tentatives visant à réduire l’utilisation des pesticides phytosanitaires ont connu des échecs retentissants. Parmi eux, on citera notamment le plan Eco-Phyto, qui a été décidé lors du Grenelle de l’environnement de 2008. Ce plan prévoyait notamment qu’en 2018 l’utilisation de phytosanitaires serait réduite de moitié. Malheureusement, au début de l’année 2018, on enregistrait une augmentation de 5 % du tonnage de pesticides répandus au cours de ces dix dernières années.
D’ailleurs, un rapport publié en février par l’ONG « Générations futures » dévoilait des chiffres alarmants concernant la contamination par les pesticides des fruits et légumes sur les étales françaises. Dans ce rapport, on a notamment pu lire que près de 75% des fruits et plus de 40% des légumes sont contaminés par des pesticides. Pour sortir de cette situation, le seul moyen est la mise en place de réglementations très strictes. Ce à quoi la loi alimentation répond.
Les produits de bio-contrôle
Actuellement ce sont plus de 300 types de pesticides chimiques qui peuvent être vendus, achetés et utilisés dans la production agricole. Afin de réduire cette liste, il existe de nombreuses solutions de bio-contrôle qui sont à l’étude pour remplacer progressivement et définitivement ces produits phytosanitaires. Parmi elles, on citera l’utilisation du procédé de confusion sexuelle, l’utilisation d’éliciteurs ou encore de substances concentrés qui sont d’origine végétale ou animale.
D’ailleurs, l’Agence national de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) veut également faire avancer les choses. En effet, c’est cet organisme qui est chargé de la réglementation et de la mise sur le marché des produits utilisés dans l’agriculture, comme les pesticides. Récemment, la directrice générale délégué de l’Anses a déclaré :
« Pour faciliter l’examen des produits et des procédés de bio-contrôle, nous avons abaissé la taxe que nous prélevons sur les produits chimiques à 2000€, contre 50 000€ auparavant. De plus, le délai d’examen est réduit à 6 mois contre un an habituellement. »
Les syndicats posent des conditions
Toutes les parties prenantes semblent vouloir faire en sorte que cette nouvelle tentative visant à réduire l’utilisation de pesticides soit un succès. En effet, le principal regroupement d’agriculteurs français, la FNSEA ou la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles a même décidé d’accepter un compromis. Il convient de rappeler que la FNSEA adoptait jusqu’à présent une position ferme en refusant tout type de mesure concernant l’interdiction des pesticides. Cependant, le 17 novembre 2017, la FNSEA a affirmé dans une publication intitulée « contrat de solution » qu’elle allait désormais se présenter comme « force de proposition pour répondre de la meilleure façon possible aux attentes des citoyens et des consommateurs ».
Avec ce nouveau positionnement, la FNSEA semble accepter un retrait programmé des phytosanitaires. Le regroupement syndical souhaite qu’une alternative aux pesticides soit d’abord trouvée avant d’arrêter définitivement l’utilisation des produits phytosanitaires dans les cultures. Ici, l’objectif est clairement de faciliter le processus de transition selon un communication de la FNSEA :
« Nous sommes prêts à nous mobiliser dans un échéancier défini pour une trajectoire de solutions permettant de développer rapidement des variétés résistantes aux maladies ravageurs, mettre sur le marché des solutions de bio-contrôle… »
Un plan qui fait encore débat
Dans le cadre des réflexions autour de loi alimentation, de nombreux ministères, y compris le ministère de l’Agriculture, de la Transition écologique, de la Santé et de la Recherche, ont commencé à appeler toutes les parties prenantes à se concerter sur le plan d’actions visant à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. D’ailleurs, le 19 janvier 2018, ces ministères se sont réunis avec plus de soixante représentants du secteur agricole, incluant les acteurs économiques, la société civile et les collectivités locales. Lors de cette réunion, on a demandé à ces représentants de réfléchir et d’inscrire par écrit leurs idées pour contribuer à ce plan. C’est sur cette base que le plan d’actions sur l’utilisation des produits phytosanitaires a été défini.
Nous retrouvons dans ce plan des mesures de renforcement du plan Eco-Phyto 2, mais aussi des mesures pour interdire le plus vite possible les produits chimiques les plus dangereux. Le gouvernement a par ailleurs commandité des expertises complémentaires concernant ces pesticides.
L’une des mesures les plus importantes du plan est la séparation de la vente et du conseil pour les produits phytosanitaires. Selon le principal syndicat agricole de France, la FNSEA, cette mesure de séparation « est une voie que nous comprenons, mais elle ne peut se faire qu’à la condition de laisser aux paysans la réelle maîtrise de leur pratique ». Par ailleurs, la même FNSEA, estime que certaines mesures doivent être révisées. La première concerne l’augmentation de la redevance pour pollution diffuse. En effet, la FNSEA juge que la hausse de cette redevance pourrait « conduire à une augmentation des charges pour les agriculteurs. ». La FNSEA prône notamment « la recherche d’alternatives efficaces et durables » et ne souhaite pas une interdiction soudaine de produits aujourd’hui largement utilisés à l’instar du très polémique glyphosate.