Loi Alimentation
Initialement, il a été prévu que la loi alimentation soit débattue à l’assemblée nationale française le 27 mars. Mais le gouvernement a décidé de repousser le passage de cette réforme devant les Députés au 17 mai. Porté par le ministre français de l’agriculture, Stéphane Travert, ce projet de réforme baptisé « projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable », est issu des Etats généraux de l’alimentation (EGA) qui ont eu lieu de juillet 2017 à décembre 2017.
Ce projet de loi veut atteindre deux objectifs clés :
- apporter aux producteurs une meilleure rémunération de leur travail
- apporter aux consommateurs la meilleure qualité de produit possible
Nous allons passer en revue les grandes lignes de cette loi alimentation, c’est-à-dire les mesures qui seront mises en place pour atteindre ses deux principaux objectifs. Ces mesures sont regroupées sous trois axes de décisions et d’actions répartis sur 17 articles.
Premier axe : Rééquilibrage des relations commerciales
C’est dans ce premier axe qu’il y a le plus de mesures. Le but est de permettre aux producteurs (agriculteurs et éleveurs) de vivre décemment de leur travail. Le rééquilibrage en question passera, tout d’abord, par l’inversion du procédé de fixation du prix. En effet, si la reforme est adoptée, ce sera désormais au producteur de rédiger le contrat commercial et de proposer le prix de son produit aux transformateurs ou aux distributeurs.
Le projet de loi prévoit notamment des sanctions quant au non respect de ce contrat. Toute violation sera passible d’une amende pouvant atteindre 75 000 €. Cependant, cette nouvelle procédure de contractualisation ne sera appliquée que dans les filières du lait et des fruits et légumes. Pour les filières viande et avicole, par exemple, l’adoption de cette mesure demeure facultative. Par ailleurs, le projet de loi permettra aux producteurs de créer des organisations professionnelles ou des coopératives pour avoir plus de poids durant les négociations.
Pour arriver à ce rééquilibrage des relations commerciales, la loi alimentation prévoit également de mettre un terme à la « guerre des prix ». Le gouvernement actuel considère que c’est un véritable fléau qui baisse considérablement le revenu des producteurs. En effet, les distributeurs appliquent des prix toujours plus bas pour améliorer leur volume de ventes, et ce sont les producteurs qui ont font les frais.
Pour freiner cette « guerre des prix », le projet de loi prévoit notamment d’augmenter le seuil de revente à perte à hauteur de 10 %. L’autre mesure phare concerne l’encadrement des promotions. Avec l’application de la loi alimentation, les distributeurs ne pourront pas appliquer des réductions au-delà de 34 % du prix de vente.
Deuxième axe : Promotion d’une alimentation de qualité et durable
Le deuxième axe concerne l’amélioration de la qualité des repas servis dans les restaurants collectifs, particulièrement dans les cantines. Le projet de loi prévoit que d’ici 2022, les acteurs de la restauration collective utilisent au moins 50 % de produits biologiques, locaux, ou avec des labels de qualité dans les menus qu’ils proposent. Le projet de loi ne fixe pas de quota particulier sur la répartition de ce pourcentage, mais de prochains amendements pourront éventuellement en fixer.
Dans ce deuxième axe, la loi alimentation veut aussi réduire le gaspillage alimentaire dans la filière de la restauration collective. Avec l’application de la loi alimentation, les cantines auront le droit de faire don des aliments non consommés à des ONG et à des associations caritatives. Les détails de cette mesure ne sont pas encore déterminés, mais seront établis par le Conseil d’État sous forme de décret.
Par ailleurs, les restaurants collectifs qui veulent participer à cette lutte contre le gaspillage seront tenus d’organiser un audit annuel. Il servira à évaluer les pratiques en matière d’approvisionnement et de gestion des stocks, et de les améliorer par la suite.
Troisième axe : Améliorer la qualité des produits
Le projet de loi sur l’alimentation contient également des mesures destinées à améliorer la qualité des produits sous différents aspects, notamment la qualité sanitaire, nutritionnelle et environnementale.
Le projet de loi prévoit des mesures pour s’attaquer aux pesticides. Concernant les phytosanitaires, un calendrier d’interdiction sera déterminé au cours de l’année par le gouvernement. Mais bien avant d’arriver à une élimination des pesticides phytosanitaires les plus néfastes, dont le glyphosate, la commercialisation des pesticides sera réformée. Parmi les mesures qui seront introduites, il y a notamment l’obligation pour les fabricants de pesticides de séparer les activités de vente et de conseil. Il sera également interdit de réaliser des ristournes, des rabais ou des remises sur ce type de produit.
Le bien-être animal fera aussi l’objet de quelques mesures. Bien que la mise en place d’une surveillance vidéo dans les abattoirs ne sera toujours pas obligatoire, les sanctions pour les délits de maltraitance seront doublées. Ainsi, on passera d’une peine de 6 mois et une amende de 7 500€ à 1 an d’emprisonnement accompagné d’une amende de 15 000€. De plus, les délits de maltraitance concerneront également les transports d’animaux.
Parmi les mesures destinées à améliorer la qualité des produits, il y a le plan visant à développer l’agriculture biologique. Actuellement, en France, l’agriculture bio constitue 6,5 % de toute la surface agricole du pays. Le projet de loi souhaite augmenter la surface agricole des produits bio à 15 % d’ici 2022 pour atteindre 30 % en 2030.
Axe spécial : Investissements dans la filière agricole
Il est clair que la loi alimentation est fortement liée à l’agriculture. En effet, le projet de loi intègre une disposition pour allouer 5 milliards d’euros d’investissement dans le but de moderniser les infrastructures agricoles et entamer la transition écologique. Ces 5 milliards d’euros seront répartis de façon à soutenir cinq projets de développement de la filière. Il y tout d’abord le développement de l’agroécologie, avec des efforts pour baisser l’utilisation de phytosanitaires et d’antibiotiques. De l’argent sera aussi alloué à l’amélioration de la biosécurité dans l’élevage et la santé des plantes. Un investissement sera aussi fait pour parvenir à l’indépendance protéique du pays. L’argent alloué servira à la mise en œuvre d’une politique visant à augmenter le taux de production de protéines végétales, comme les lentilles et le soja. Un budget sera également consacré à l’amélioration de la santé et du bien-être dans le domaine de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Le but est de promouvoir et relancer l’attractivité des métiers dans ces deux secteurs. Enfin, une partie des 5 milliards d’euros servira à financer les recherches en matière d’énergie renouvelable pour réduire la consommation d’énergie. L’utilisation du méthane bénéficiera d’une attention particulière.
Il convient de noter que la loi alimentation constitue une première étape dans la réforme des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire que le gouvernement actuel souhaite entreprendre.