Encadrement des promotions
Pour le gouvernement français, la loi alimentation a pour principal objectif d’améliorer les relations commerciales tendues entre les agriculteurs, les industriels et les distributeurs. Ainsi, pour garantir des prix raisonnables aux agriculteurs le gouvernement a introduit dans la loi alimentation une mesure visant à encadrer les promotions dans les rayons des enseignes de la grande distribution.
Ce projet de loi semble arriver à un moment des plus opportuns : au début de l’année 2018, les français ont pu assister à de véritables scènes d’émeutes dans plusieurs grandes surfaces Intermarché. En effet, le prix des couches culottes était bradé et les pots de Nutella étaient vendus à -70%. Ces évènements font directement écho à la volonté du gouvernement de renforcer les mesures visant à rééquilibrer les prix proposés par les grandes surfaces avec pour corollaire d’améliorer la rémunération des agriculteurs, premières victimes des opérations promotionnelles menées en GMS ( Grandes et Moyennes Surfaces).
Il convient de noter qu’une grande partie du projet de loi est dédiée à l’encadrement des promotions, mais aussi à l’éradication de la guerre des prix entre les différentes enseignes de grande distribution. En effet, tout comme les promotions, le phénomène de guerre des prix nuit principalement aux agriculteurs. Selon Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture :
« Cette valeur que nous allons récupérer à travers l’encadrement des promotions, va donner une bouffée d’air aux distributeurs. » Alors, par quels moyens le gouvernement compte-t-il mettre fin aux offres commerciales agressives faites par les supermarchés ?
Les mesures prévues pour plafonner les promotions
Limitation des rabais
Vers la fin du « un produit acheté, un produit offert »
Concrètement, avec la mise en place de la loi alimentation, la fixation des offres spéciales seront limitées. En effet, la baisse par rapport au prix d’origine sera plafonnée à 34 %.
Les consommateurs ne bénéficieront donc plus des « 9 jours Happy » de Monoprix ou encore de la promotion de « -70% » sur le pot de pâte à tartiner Nutella proposé récemment par Intermarché. On notera également que ce plafonnement ne permettra pas aux enseignes de grande distribution de proposer des offres de type « un produit acheté, un produit offert ».
Par ailleurs, les consommateurs auront toujours la possibilité de faire l’acquisition de trois produits pour le prix de deux. Le nombre de produit qui peut faire l’objet d’une promotion est, quant à lui, limité à 25 % du volume annuel de produits vendus. Prenons quelques exemples concrets afin de mesurer le futur impact de cette mesure : si la loi alimentation est adoptée, la moitié des promotions proposées par Intermarché devront être supprimés car elles sont au-dessus du seuil de 34%. Chez Super U, c’est un-tiers des promotions courantes qui devra être révisé.
Seuil de revente à perte
La fin du « Vente à prix coûtant »
La seconde mesure prévue par la loi alimentation concerne principalement les denrées alimentaires. Le texte de loi prévoit notamment de fixer un seuil de revente à perte à hauteur de 10 %. Plus clairement, les supermarchés et tous les autres distributeurs seront obligés d’appliquer au minimum une majoration de 10% lorsqu’ils voudront faire une liquidation de stock, par exemple. Là aussi, adieu attrayante mention « vente à prix coûtant » qui pourrait être rebaptisée « vente à prix coûtant +10% » !
Quid des consommateurs ?
Malgré un projet de loi qui semble bien ficelé, certains acteurs de la société civile pensent que les consommateurs sont les plus grands oubliés dans toutes les mesures qui sont en passe d’être votées. Pour l’association Familles Rurales, le plafonnement des promotions et le relèvement du seuil de revente risquent de fragiliser encore plus le pouvoir d’achat des consommateurs :
« s’il n’y plus ou peu de promotions, les consommateurs achèteront moins. » [...] « un plafonnement des promotions ne fera pas forcément baisser les prix tout au long de l’année. »
Ainsi, Familles Rurales craint qu’une limitation des promotions à seulement 34 % créera une incapacité, pour des familles ayant un budget très serré, d’acheter certains produits. Cette inquiétude est partagée par de nombreuses associations de consommateurs. Elles estiment qu’une baisse du pouvoir d’achat des foyers qui s’approvisionnent dans les supermarchés est inévitable si ce projet de loi est adopté. UFC-Que Choisir, l’association de défense des droits des consommateurs, plaide même pour que rien ne change et que la réglementation des promotions n’évoluent avec la prochaine loi alimentation.
Bien que, dans l’absolu, il y aura une baisse du pouvoir d’achat, certains experts pensent que limiter les promotions est un excellent moyen de rationaliser l’acte d’achat du consommateur. Olivier Fourcadet, professeur à l’ESSEC (École supérieure des sciences économiques et commerciales) de Cergy, nous fait remarquer que la plupart des promotions réalisées dans les grandes surfaces sont des promotions sur le volume :
« On jette une grande partie de ce qu’on a acheté en promotion, pour une raison simple ; on n’en avait pas besoin » [...] « Le pouvoir d’achat ce n’est pas juste acheter, c’est aussi acheter ce qu’on va consommer ».
En un sens, réduire les promotions permet donc de lutter contre le gaspillage alimentaire.
Quid des producteurs ?
L’autre préoccupation qui revient constamment concernant les mesures visant à encadrer les promotions c’est le sort des agriculteurs et des éleveurs ; surtout celui des petits producteurs qui sont déjà en difficulté. Olivier Andrault, chargé de mission auprès de l’association UFC-Que Choisir, ne croit pas que les mesures envisagées puissent aider les producteurs en difficulté à sortir de leur calvaire. Michel Biero, directeur des achats en France du groupe Lidl, a également exprimé ses doutes au sujet de l’augmentation du revenu des agriculteurs et des éleveurs. Il a notamment déclaré sur l’antenne de BFM Business qu’il fallait empêcher les promotions sur certains types de produits en particulier ; comme les produits d’élevage :
« On a qu’à mettre en place une loi qui mette en place un prix garanti pour l’éleveur, ça permettra de régler le problème une bonne fois pour toutes »
Avec toutes ces interrogations, on aura tendance à penser que la loi alimentation, en général, et les mesures visant à encadrer les promotions, en particulier, bénéficient aux distributeurs au détriment des consommateurs et des producteurs locaux.
L’essentiel de l’encadrement des promotions
- Les réductions par rapport au prix de vente d’origine seront plafonnées à 34%
- Disparition des promotions du type « 1 acheté = 1 offert »
- Instauration d’un seuil de revente à perte majoré au minimum de 10% par rapport au prix d’achat